Épisode 2

Faciliter compréhension et mémorisation dans une vidéo ?

Cette websérie analyse les processus à l’œuvre dans la scénarisation, la médiatisation et l’intégration de ressources pédagogiques à des fins d’apprentissage, avec le numérique.

Faut-il intégrer l’image du locuteur ou du présentateur dans une vidéo réalisée à des fins pédagogiques ? Les images et les schémas sont-ils utiles ? À quelles conditions est-il pertinent d’intégrer du texte ? Comment éviter la surcharge cognitive des apprenants ? Y a-t-il des moyens simples pour focaliser leur attention sur un point précis ? Comment favoriser la mémorisation des informations et des concepts ?

Mis à jour le vendredi 14 octobre 2022

Comment faciliter compréhension et mémorisation dans une vidéo ?

Ce deuxième épisode de la série décryptage s’adresse à tous les enseignants et les formateurs qui réalisent des vidéos à des fins pédagogiques et qui, comme nous ici, se posent des questions pour faire mieux.

Bonjour et bienvenue dans la série décryptage, consacrée à la scénarisation pédagogique avec le numérique. Cette websérie s’appuie sur des travaux de recherche dont les références apparaîtront au fil de la présentation. Vous retrouverez l’ensemble de ces références en fin de vidéo.  Dans cet épisode, je vous propose d’aborder la question de l’ergonomie cognitive dans les vidéos conçues à des fins pédagogiques.   Quand un concepteur se soucie de l’ergonomie cognitive, il souhaite améliorer la qualité des apprentissages en tenant compte des apports de la recherche sur la compréhension, la mémoire, la perception et l’attention. Dans une vidéo, les informations fournies sont à la fois visuelles et sonores, il est donc nécessaire de penser l’articulation entre ces deux sources d’information pour vérifier qu’elles ne risquent pas d’entrer en interférence cognitive l’une par rapport à l’autre. Intéressons-nous tout d’abord aux informations visuelles.  

I- Est-ce qu’il faut intégrer ou non l’image du présentateur ?

 
Les apprenants interrogés déclarent souvent trouver la présentation plus claire quand ils voient le locuteur.
Il est vrai que cela humanise la ressource, donne une impression de présence à distance, et rassure les générations habituées aux codes visuels des chaînes youtube. Éric Jamet évoque une influence sur la satisfaction des apprenants qui parviennent ainsi à mieux percevoir le locuteur, les informations délivrées, ainsi que l’environnement d’apprentissage.
André Tricot confirme que la présence du présentateur permet de rétablir une interaction humaine favorable aux apprentissages, mais souligne l’importance du type de cadrage choisi.
En effet, l’impact sur la qualité des apprentissages serait moindre quand on ne voit que le visage du locuteur et constituerait un distracteur si le regard avait dû se focaliser sur un autre endroit de l’écran.
Un visage seul risquerait donc de diminuer l’attention qui aurait dû être apportée au contenu affiché par ailleurs.
L’image du locuteur devient un support efficace pour les apprentissages quand ses mains sont visibles pour appuyer et ponctuer le discours et qu’elles réalisent des gestes déictiques, en montrant ce qui doit être regardé.
Si vous souhaitez intégrer la vidéo du présentateur, cadrez-le de manière à ce qu’on voit son tronc et ses mains (plan taille) ou qu’on le voit des pieds à la tête (plan moyen).
 

II- Est-ce qu’il est intéressant d’intégrer des images ou des schémas ?

 
En appui du discours, les éléments visuels constituent la meilleure combinaison possible. 
L’image est particulièrement adaptée quand elle vient illustrer le propos.
Dans ce cas, elle l’ancre dans le réel car elle permet à l’auditeur de construire, compléter ou modifier une image mentale de ce qui est évoqué.
La compréhension en est donc facilitée, au service des apprentissages.
Le schéma ou l’infographie jouent le même rôle, à condition d’être simplifiés ou décomposés pour être bien compris.
L’image est en revanche moins pertinente si elle introduit des informations parasites ou discordantes.
Purement décorative, elle pourrait devenir un distracteur.
 

III- Est-ce qu’il est pertinent d’afficher du texte ?

 
Le chercheur Éric Jamet évoque deux éléments à prendre en compte au moment de la conception d’un support d’apprentissage qui intègre du texte.
 
1. Le premier critère est la lisibilité.  
 
Il vaut mieux choisir des polices sans serif comme arial, car les autres polices à empattement peuvent gêner la lecture.
Les caractères doivent être suffisamment gros et lisibles.
Il vaut mieux éviter le recours à l’italique, au souligné ou aux lettres capitales.
Quand vous choisissez des couleurs, soyez attentifs au contraste entre le texte et le fond.
Certains outils en ligne vous permettent de choisir le contraste de luminance le plus élevé.
 
2- Le deuxième critère va être la quantité de texte affiché.
 
Si vous avez prévu d’afficher du texte il est recommandé de ne conserver que des mots clés. 
Si vous affichez l’essentiel de ce qui doit être retenu, y compris en articulant les concepts sous une forme heuristique, alors vous renforcez la compréhension.
 
Ces éléments textuels ne doivent pas rentrer en interférence avec le flux audio sous peine d’entraîner une surcharge cognitive.
 

IV- Comment éviter cette surcharge cognitive ?

 
1. Le premier levier va être d’éviter la concurrence entre flux audio et flux visuel.
 
La littérature scientifique au sujet de la concurrence entre le flux audio et le flux visuel est assez formelle :
Si vous affichez un texte long, l’auditeur dont c’est la langue natale ne pourra s’empêcher de le lire.

Pour mieux comprendre, voici un premier exemple.
Si je choisis d’afficher ceci : 
(évitez les longs textes et les longues phrases qui détournent l’attention des auditeurs et provoquent un conflit cognitif (difficulté à maintenir en mémoire de travail deux éléments concurrents) entre ce qui est lu à l’écran et ce qui est dit à l’oral), 
et que pendant ce temps je dis ceci  :
« Le chercheur Éric Jamet est intervenu à la DANE le 19 mai 2016 pour expliquer le fonctionnement cognitif puis pour formuler un certain nombre de recommandations à destination des concepteurs de ressources numériques. »
Vous constatez ainsi que quand le texte ne correspond pas au flux sonore, l’auditeur a tendance à occulter le discours entendu pour se concentrer sur le texte.
 
Deuxième exemple maintenant.
Si le texte se superpose au flux sonore, sur une diapositive ou sous la forme de sous-titres affichés, le problème sera bien pire. En effet, la lecture est plus rapide que le débit audio. Ce qui est lu ne va plus correspondre à ce qui est dit et l’auditeur va se retrouver dans une situation de concurrence sensorielle qui l’empêchera d’accéder au sens.
 
Troisième exemple
Les sous-titres dans une autre langue ne gênent pas ceux qui ne comprennent pas cette langue. 
Ils seront donc utiles uniquement pour traduire le propos dans la langue de l’auditeur, ou pour permettre l’accessibilité de la vidéo aux personnes malentendantes. Idéalement, ils ne devraient pouvoir être activés que dans les cas où ils sont nécessaires.
 
2. Le second levier pour éviter la surcharge cognitive va être la quantité d’informations.
 
Nous avons vu qu’il convenait de ne pas surcharger la mémoire de travail des auditeurs en affichant trop d’informations à l’écran ou en sollicitant deux entrées sensorielles concurrentes : auditive et visuelle.
Mais il faut bien avoir en tête aussi que l’empan mnésique individuel, c’est-à-dire la capacité à mobiliser plusieurs éléments simultanément en mémoire de travail, est particulièrement limité quand une notion nouvelle est abordée.
Le contenu de la vidéo devra donc être réduit à l’essentiel, sans détail accessoire.
Un moyen de limiter le nombre d’éléments à traiter est de les regrouper par blocs quand c’est possible.
 
3. Le troisième levier va être d’adapter le niveau de complexité des informations, des connaissances ou des concepts abordés en fonction du niveau des apprenants.
 
C’est important d’adapter votre discours au niveau de connaissance des auditeurs. 
Cela va passer par le lexique employé, mais aussi par la structure grammaticale des phrases, simples ou complexes.
Dans l’épisode consacré à l’accessibilité cognitive, nous verrons comment formuler des phrases compréhensibles par l’ensemble des apprenants.
 
4. Le quatrième levier est d’adapter aussi le niveau de complexité de l’approche pédagogique choisie.
 
Le chercheur André Tricot attire l’attention des concepteurs sur l’adéquation nécessaire entre l’approche choisie, c’est-à-dire la plus ou moins grande complexité des processus cognitifs impliqués et l’objectif pédagogique initial.
Si l’approche choisie est d’un niveau d’exigence trop élevé, comme nous le verrons dans l’épisode scénarisation globale, ce sera au détriment de l’apprentissage principal.

5. Le cinquième levier est la structuration des informations.
 
Pour soutenir la compréhension, vous avez tout intérêt à rendre la structure de votre propos visible et explicite.
Cela peut passer par l’affichage du plan, une numérotation, l’articulation des concepts entre eux, par exemple sous la forme d’une arborescence ou d’une carte mentale.
L’introduction et la conclusion de la vidéo ont également leur importance pour annoncer cette structure et pour proposer une courte synthèse finale des éléments à retenir. 
Cette structure pourra se répéter d’une vidéo à l’autre afin de proposer un environnement familier, une sorte de routine ou d’automatisme. Moins coûteux cognitivement, ce procédé permettra de libérer de la place pour les autres apprentissages.
 

V- Comment aider les apprenants à focaliser leur attention ?

 
 
Les chercheurs rappellent que les apprenants avec le niveau de connaissance le plus faible ne savent absolument pas sur quel élément focaliser leur attention quand ils sont seuls face à l’écran.
 
Il est donc nécessaire d’orienter leur regard dans la bonne direction.
Nous avons déjà évoqué le rôle positif des gestes déictiques du présentateur.
D’autres techniques peuvent être mobilisées lors du montage vidéo.
Par exemple, vous pouvez afficher les éléments au fur et à mesure.
Vous pouvez faire apparaître un élément visuel comme une flèche, un pointeur laser.
Vous pouvez changer la couleur d’un élément.
Vous pouvez zoomer sur une partie de l’écran.
Vous pouvez mettre en exergue un élément grâce à un projecteur qui place tout le reste dans l’ombre, etc.
 

VI- Comment favoriser la mémorisation des apprenants ?

 
 
1. Premièrement, les chercheurs en sciences cognitives soulignent l’intérêt de se tester pour vérifier sa compréhension et pour mieux mémoriser. 
 
Ce questionnement pourra figurer dans la vidéo elle-même ou être pensé en articulation avec les autres temps d’apprentissage.
Pour illustrer cette possibilité, je vais vous proposer de répondre à la question simple suivante :
Pouvez-vous citer cinq pistes proposées dans cet épisode pour aider l’apprenant à focaliser son attention sur un élément précis ? Vous pouvez mettre la vidéo en pause pour répondre.
Vous avez trouvé ?
Je donnerai la réponse dans un instant.
 
2. Deuxièmement, ces mêmes chercheurs soulignent l’intérêt d’un traitement actif de l’information.
 
Par exemple, prenons cet épisode. Il s’adresse à un public averti. Il repose sur un lexique spécialisé, dans un langage soutenu et porte sur des concepts théoriques complexes en rapport avec l’ergonomie cognitive.
Une simple écoute passive ne sera probablement pas suffisante si vous ne maîtrisez pas tous ces concepts.
Pour vous aider à identifier les notions clés de cette vidéo et établir des liens entre elles, je pourrais vous proposer plusieurs types de traitement de l’information.
Prendre des notes puis rédiger un résumé
ou réaliser une carte mentale listant les points essentiels à retenir.
 
Maintenant, vous devez certainement vouloir la solution du test.
Eh bien, je vais vous inviter à comparer votre réponse avec la partie de la vidéo consacrée à l’attention.
 
Dans cet épisode de décryptage, nous avons passé en revue un certain nombre de critères au service de l’ergonomie cognitive des vidéos réalisées à des fins d’apprentissage.
Cet épisode est indissociable des autres épisodes consacrés à l’efficacité pédagogique, l’accessibilité, la scénarisation pédagogique ou encore le tournage que vous pouvez consulter en complément.


Bibliographie

« [..]proposer une animation pour améliorer l’apprentissage des apprenants n’est pertinent que si certains principes dans leur conception sont respectés. Apprendre à partir d’une animation peut s’avérer difficile au vu des capacités attentionnelles et de mémoire des individus. Il est exigeant pour des apprenants de sélectionner visuellement les bonnes informations, de comprendre les étapes du processus ou encore de se souvenir des informations qui n’ont été affichées à l’écran que quelques secondes »
Source : Apprendre avec le numérique, mythes et réalisés, André Tricot , Franck Amadieu

  • Berthier J.L., Borst G., Desnos M., Guilleray F., Les neurosciences cognitives dans la classe - Le guide pratique pour expérimenter et innover, chez ESF sciences humaines.
  • Jamet É., Arguel A., La compréhension d’un document technique multimédia peut-elle être améliorée par une présentation séquentielle de son contenu ?
  • Éric Jamet, Conférence « Des ressources numériques efficaces : ça existe ? » mai 2016
  • Masson, S. (2012). Neuroeducation : understanding the brain to improve teaching. Neuroeducation, 1(1), 1-2.
  • Steve Masson, chaîne YouTube : "cerveau et apprentissage"
  • Brown P.C., Roediger H.L., McDaniel M.A. (2014) Mets-toi ça dans la tête ! Les stratégies d’apprentissage à la lumière des sciences cognitives, Genève (Suisse), Markus Haller (nouv. éd. 2016).
  • Franck Ramus, conférence « Comment apprendre à apprendre ? » Eduspot, 15 mars 2018
  • Tricot A., Amadieu F., Apprendre avec le numérique, mythes et réalités : chapitre 9 Les vidéos et informations dynamiques favorisent l’apprentissage

Crédits

  • Directeur de production :
    Fabrice Gély, délégué académique au numérique
  • Réalisation :
    Anne-Cécile Franc, coordonnatrice du dossier e-formation
  • Scénarisation :
    Khadija Benhamza, formatrice du groupe sciences cognitives
    Anne-Cécile Franc, chargé de mission e-formation
    Frédéric Pézier, formateur du groupe sciences cognitives
  • Remerciements :
    Adeline André, IA-IPR de SVT et pilote du groupe sciences cognitives
    André Tricot, enseignant chercheur, Université Paul Valéry Montpellier 3

Compléments :
Voir les autres épisodes de la série Décryptage

Documents joints

Dans la même rubrique

Article rédigé par Anne-Cecile Franc