Épisode 3

Comment réaliser une vidéo accessible à tous ?

Cette websérie analyse les processus à l’œuvre dans la scénarisation, la médiatisation et l’intégration de ressources pédagogiques à des fins d’apprentissage, avec le numérique.

Comment réaliser une vidéo accessible ?
Quelles alternatives est-il nécessaire de fournir ?
Quels sont les points de vigilance par rapport aux textes, aux couleurs, aux schémas et aux tableaux ?
Comment s’assurer que le contenu de la vidéo sera bien compréhensible pour tous ?

Mis à jour le vendredi 14 octobre 2022

Ce troisième épisode de la série décryptage s’adresse à tous les enseignants et les formateurs qui réalisent des vidéos à des fins pédagogiques et qui, comme nous ici, se posent des questions pour faire mieux.

 

Bonjour et bienvenue dans la série décryptage, consacrée à la scénarisation pédagogique avec le numérique. Cette websérie s’appuie sur des travaux de recherche dont les références apparaitront au fil de la présentation. Vous retrouverez l’ensemble de ces références en fin de vidéo.  Dans cet épisode, je vous propose d’aborder la question de l’accessibilité dans les vidéos conçues à des fins pédagogiques.   Chaque année, environ 360 000 élèves en situation de handicap (sensoriel, moteur, cognitif, entre autres) sont scolarisés en milieu ordinaire. Prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de ces élèves dès la phase de conception des différentes ressources pédagogiques contribue à lever, par anticipation, les entraves qu’ils peuvent rencontrer et à favoriser ainsi l’accès aux apprentissages. Ces adaptations sont d’ailleurs utiles à tous les élèves, notamment à ceux qui sont en difficulté scolaire. C’est dans cette direction qu’a été pensée la loi accessibilité numérique du 30 juillet 2018.   L’accessibilité numérique est un ensemble de règles et de bonnes pratiques qui permettent aux personnes en situation de handicap d’accéder librement aux outils numériques quelle que soit leur situation particulière. Les plateformes ainsi que les ressources numériques doivent respecter 4 principes de base :   • Perceptibilité : les contenus doivent être présentés à l’utilisateur de façon à ce qu’il puisse les percevoir, • Utilisabilité : les composants de l’interface utilisateur et de navigation doivent être utilisables, • Compréhension : les informations et l’interface doivent être compréhensibles, • Robustesse : le contenu doit pouvoir être interprété avec fiabilité notamment par les technologies d’aide (dispositif de lecture) ou de compensation.   Je vais détailler ici plus particulièrement les principes de perceptibilité et de compréhension.   1- Perceptibilité

Comment présenter les contenus pour que tous les utilisateurs puissent les percevoir ?

 
A) Alternative aux contenus entendus
L’intégralité des contenus présentés oralement doit être proposé sous la forme d’une alternative textuelle pertinente.
Ces informations textuelles doivent être présentées dans l’ordre chronologique de leur apparition au niveau du média et proposées de manière indépendante de la consultation de l’objet multimédia.
Il peut s’agir d’une transcription intégrale de l’ensemble des prises de paroles, qui sera fournie en lien de la vidéo, ou de sous-titres actionnables par l’utilisateur.
La forme alternative la plus élaborée consisterait à proposer une interprétation en langue des signes.
 
B) Alternative aux contenus perçus visuellement
À l’inverse, tout ce qui est présenté visuellement devrait pouvoir être accompagné par une audiodescription comportant toutes les informations nécessaires à une compréhension équivalente de l’action, actionnable par l’utilisateur.
 
C) Les textes
En ce qui concerne les textes, que ce soit les mots affichés avec parcimonie au cours de la vidéo ou le texte de la transcription, ils devront être lisibles par tous.

  • Choix d’une police sans sérif :
    Il est recommandé d’utiliser des polices de caractères sans sérif (sans empattement ou si vous préférez, sans petite barre verticale sous les jambes des lettres) pour faciliter la lecture.
    Arial, Verdana, Comic sans MS, Tahoma sont des polices particulièrement lisibles par les élèves dyslexiques par exemple.
    Mais d’autres polices peuvent également être utilisées telles que Century Gothic, Calibri, Lucida sans unicode, Trebuchet MS.
    Pour éviter de rendre l’écran confus, et afin d’éviter les distractions visuelles ou les perturbations textuelles, il est également recommandé de privilégier une police de caractères par ressource numérique.
     
  • Taille suffisante
    Les textes affichés au cours de la vidéo doivent être d’une taille suffisante pour être lisibles.
    En ce qui concerne la transcription, notamment s’il s’agit d’un document proposé en lien, la taille de police doit correspondre à 14 px minimum en affichage à 100% pour être accessible aux utilisateurs présentant une dyslexie.
    Idéalement, les tailles de caractères doivent être définies avec des unités relatives pour que ce contenu reste lisible et compréhensible lorsqu’on augmente la taille du texte avec le navigateur par exemple.
     
  • Interligne
    Dans le texte de la transcription, la valeur de l’interligne doit être au moins égale à 1,5 fois la taille du texte. Si c’est possible, l’utilisateur devrait pouvoir augmenter la valeur de l’interligne si besoin.
     
  • Paragraphes
    Les blocs de texte seront regroupés par groupe de sens et devront avoir une largeur inférieure ou égale à 80 caractères.
    Pour les élèves présentant une dyslexie, il est conseillé de ne pas justifier le texte.
     
  • Majuscules accentuées
    Le texte en majuscule doit être accentué afin d’être compris lors de la restitution par les systèmes d’assistance.

 
D) Couleurs et contrastes
Idéalement, l’utilisateur devrait pouvoir avoir le contrôle des couleurs des polices et du fond.
Comme c’est un paramètre qui n’est pas modifiable dans une vidéo, vous devrez veiller à utiliser des contrastes de couleurs suffisamment élevés entre le texte et l’arrière-plan dès la conception.
Différents outils peuvent vous aider à vérifier la qualité de ce contraste :
• « Colour Contrast Analyser »
http://www.tanaguru.com/fr/
• Etc.
Cette précaution sera valable pour tous les éléments visuels.
 
E) Le cas particulier des tableaux et des schémas
Si vous utilisez des tableaux ou des schémas afin d’illustrer un commentaire oral, veillez bien à limiter la quantité de données affichées.
Les entêtes et les légendes doivent être courts courtes et facilement compréhensibles.
Pour favoriser la lisibilité des informations vous pouvez colorer le fond d’une ligne ou d’une colonne sur deux en respectant un contraste suffisant avec le texte.
 

2- Compréhensible

Comment maintenant faire en sorte que les informations soient compréhensibles pour tous les utilisateurs ?
 
A) Quantité d’informations
L’épisode consacré à l’ergonomie de conception a déjà souligné l’importance de limiter la quantité d’informations affichées.
 

  • Informations visuelles
    En ce qui concerne les informations visuelles, cela consiste à limiter le nombre d’éléments affichés en privilégiant l’essentiel de ce qui doit être retenu.
    Quand vous voulez afficher du texte, par exemple, contentez-vous des mots clés.
     
  • Informations sonores
    Pour les informations sonores, le volume général doit bien évidemment être suffisamment audible.
    Dans le cas où vous choisissez d’utiliser un fond sonore, vous devrez veiller à ce que la voix principale se détache suffisamment. Les pistes de dialogues devront avoir un volume de vingt décibels plus élevé que l’arrière-plan sonore.
     
  • Concurrence entre les informations visuelles et sonores
    Comme cela a déjà été évoqué dans l’épisode consacré à l’ergonomie cognitive, il est important de ne pas introduire une concurrence cognitive entre les informations visuelles et auditives.
    À cette fin, si des sous-titres sont proposés, ils devraient pouvoir être activés ou désactivés, comme toutes les autres alternatives proposées (transcription, audiodescription).
     

B) Accès au sens : l’accessibilité cognitive
Par ailleurs, tous les utilisateurs devraient pouvoir comprendre le sens de la ressource sans surcoût cognitif.
Cela va passer par le choix du vocabulaire employé, par une attention portée à la syntaxe, ou encore par l’explicitation des éléments implicites ou complexes.
 

  • Vocabulaire
    Pour faciliter la compréhension des mots importants, vous pouvez les illustrer par des pictogrammes visuels.
    Vous pouvez également privilégier des synonymes plus simples à la place des mots complexes.
    Toutes les abréviations doivent être explicitées lors de leur première occurrence.
     
  • Syntaxe
    Lorsque vous construisez des phrases, faites attention à limiter les subordonnées. Les phrases verbales simples, avec une seule idée principale sont plus faciles à comprendre.
    Vous pouvez avoir recours à la technique du « gueuloir » de Flaubert pour vérifier la fluidité et la clarté de votre texte par une lecture à voix haute.
  • Explicite
    Dans l’idéal, vous devrez également veiller à ce que toutes les informations soient bien présentes dans les énoncés, sans implicite, afin d’en faciliter la compréhension sans avoir besoin de réaliser des inférences complexes.
  • Faciliter la vocalisation de la transcription par un lecteur d’écran
    Pour rédiger le texte de la transcription utilisez bien les outils intégrés du traitement de texte pour signaler les citations, les mots ou groupes de mots écrits dans une autre langue. Cela permettra d’éviter les contresens lors de la vocalisation par un lecteur d’écran.

 
C) Scénarisation
Pour finir, la scénarisation de la ressource devra mettre l’accent sur les compétences cœur de cible, en évacuant les autres compétences non essentielles à la compréhension de la vidéo.
Cet aspect sera développé davantage dans l’épisode consacré à la scénarisation.
Cette scénarisation aura avantage à intégrer des conseils méthodologiques sur l’utilisation efficace des fonctions lecture, pause et stop pour améliorer la compréhension et la mémorisation.
 
Dans cet épisode de décryptage, nous avons passé en revue un certain nombre de critères au service de l’accessibilité d’une vidéo.
Cet épisode est indissociable des autres épisodes consacrés à l’efficacité pédagogique, à l’ergonomie cognitive, à la scénarisation pédagogique ou encore au tournage et au montage que vous pouvez consulter en complément.


Bibliographie

  • « La loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et la loi d’orientation et de programmation pour la Refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 ont permis des avancées majeures dans la politique de scolarisation des élèves en situation de handicap. La loi 2005-102 réaffirme les principes d’accessibilité (accès à tout pour tous) et de compensation (mesures individuelles rétablissant l’égalité des droits et des chances). Il s’agit d’un changement de paradigme important. Avant cette loi les enfants handicapés devaient prouver qu’ils étaient scolarisables. Désormais, la scolarisation dans l’établissement de référence est un droit et c’est à l’institution demettre en place les adaptations nécessaires pour que cette scolarisation devienne possible. »
    Source : A2RNE Accessibilité et Adaptabilité des Ressources Numériques pour l’École
  • Jamet É., Arguel A., La compréhension d’un document technique multimédia peut-elle être améliorée par une présentation séquentielle de son contenu ?
  • Conférence « Des ressources numériques efficaces : ça existe ? » mai 2016
  • Tricot A., Amadieu F., Apprendre avec le numérique, mythes et réalités : chapitre 9 Les vidéos et informations dynamiques favorisent l’apprentissage

Ressources

Crédits

  • Directeur de production :
    Fabrice Gély, délégué académique au numérique
  • Réalisation :
    Anne-Cécile Franc, coordonnatrice du dossier e-formation
  • Scénarisation :
    Aïda Logan, chargée de mission ASH
    Anne-Cécile Franc, chargé de mission e-formation
  • Remerciements :
    Laurence Picard, Inspectrice, Conseillère technique ASH
    Patrice Renaud, Chef de projet numérique et École inclusive à la sous-direction de la transformation numérique
    André Tricot, enseignant chercheur à l’Université Paul Valéry Montpellier 3

Compléments :
Voir les autres épisodes de la série Décryptage

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Article rédigé par Anne-Cecile Franc